Publication : 17 / 08 / 2020

Au Bénin, le gouvernement ouvert est dans l’agenda des politiques et de la société civile depuis au moins cinq ans. Le concept vise l’efficacité de la gouvernance à travers la transparence et la redevabilité des pouvoirs publics. Mais certaines exigences de base à sa mise en œuvre dans notre pays continuent d’être des blocages. La non concrétisation du principe de l’accès à l’information publique, un des piliers du gouvernement ouvert en est un.

Du 11 au 13 août 2020, la Coalition des ONG du Bénin pour un Gouvernement Ouvert (un réseau de plus d’une centaine d’organisations non gouvernementales formé en 2019 pour accélérer la marche du Bénin vers une gouvernance ouverte), grâce à l’appui du NIMD (Netherlands Institude for Multiparty Democracy), a réuni à Cotonou des parlementaires béninois pour un séminaire de plaidoyer sur l’accès à l’information publique. Cette énième rencontre de plaidoyer dont l’objectif était “d’amener le législateur béninois, à s’approprier le contenu et les défis du Gouvernement Ouvert et sa partition pour une réussite du processus”, visait spécifiquement à sensibiliser les parlementaires sur la nécessité de doter le Bénin d’un texte de loi favorisant effectivement l’accès à l’information publique.

Depuis 2015, année à laquelle le Bénin a officiellement manifesté son intérêt de rejoindre le Partenariat pour le Gouvernement Ouvert (PGO), le critère relatif à l’accès à l’information publique a longtemps constitué une barrière. Une barrière qui persiste malgré tout car, bien que l’existence d’une loi sur l’accès à l’information permet de compter (mécaniquement) le Bénin parmi les pays ayant rempli ce critère, dans la pratique, l’accès à l’information publique au Bénin relève encore du parcours du combattant. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la Coalition des ONG du Bénin pour un Gouvernement Ouvert, dès sa création, a décidé de s’attaquer à cet enjeu dans son combat pour engager le Bénin dans la mise en oeuvre du gouvernement ouvert. Il faut savoir que pour rejoindre le PGO (l’organisation multilatérale qui promeut le gouvernement ouvert), les États désireux doivent remplir quatre critères à savoir : la transparence budgétaire et fiscale, l’accès à l’information, la publication du revenu et des avoirs des élus et responsables publics et la participation citoyenne dans l’action publique.

Un long parcours

Il y a cinq ans, l’inéligibilité du Bénin au PGO tenait surtout à deux éléments : le non remplissage des critères relatifs à l’accès à l’information publique et à la publication du revenu et des avoirs des élus et responsables publics. Concernant le premier critère, puisqu’il s’agit de celui qui nous intéresse ici, ce n’est pas que le Bénin ne dispose pas d’une loi d’accès à l’information. Souvent présentée (à tort ?) comme une loi sur les médias, la loi 2015–07 du 22 janvier 2015 portant Code de l’information et de la communication en République du Bénin, fait office de loi d’accès à l’information publique. D’ailleurs, ne dispose-t-elle pas en son article 7 ce qui suit :

Toute personne a droit à l’information.

L’Etat s’oblige, à travers ses différentes structures et institutions, à garantir à toute personne, l’accès aux sources d’informations notamment publiques.

Les services de l’Etat chargés de cette mission s’engagent par conséquent à fournir tout renseignement, à communiquer tout document et à veiller à faire constituer, au besoin, un dossier de presse à mettre à la disposition des professionnels sur tout sujet intéressant légitimement le public.

Alors que la loi pose un principe général sans équivoque, elle va pécher dans les conditions et les restrictions d’accès à l’information publique. Autrement dit, la qualité de loi peut être améliorée au regard des pratiques admises dans les standards internationaux. Ainsi, dans le classement (2020) de l’indice du droit d’accès à l’information établi par le Centre for Democracy and Law et Access Info Europe et qui sert de référence au PGO, la loi béninoise est classée 121ème sur 128 lois examinées. Ce classement est la référence mondiale en matière d’évaluation du cadre légal du droit d’accès à l’information publique dans un pays. L’examen effectué par des experts indépendants se base sur sept critères d’évaluation dont le droit d’accès, la portée de ce droit, les conditions d’accès à l’information publique, les restrictions au droit d’accès ou encore les voies de recours en cas de refus. D’après cette évaluation, le Code de l’information et de la communication du Bénin ne récolte que 52 points sur un maximum de 150. La loi béninoise est classée parmi les 10 dernières de la liste.

Cet état de chose, les organisations de la société civile l’ont compris et ont engagé des démarches de plaidoyer depuis plusieurs années. Parce que dans la pratique, les dispositions de la loi ne favorisent pas le travail des professionnels des médias et des organisations de la société civile dans la conduite d’investigations journalistes ou des actions de contrôle citoyen de l’action publique.

Après plusieurs mois de travail avec les organisations de la société civile, le député Éric Houndété, alors premier vice-président de l’Assemblée nationale, a soumis une proposition de loi modificative de la loi portant code de l’information et de la communication en République du Bénin au parlement le jeudi 12 janvier 2017. En février de la même année, Wanep-Bénin, en collaboration avec la Direction générale des médias organise, grâce au soutien financier d’Osiwa, un atelier sur le sujet avec pour thème : “Le chapitre IV du code de l’information et de la communication relatif aux sources publiques d’information : expériences des professionnels des médias”. A titre personnel, en 2018, j’avais relevé, dans une réflexion les difficultés de mise en œuvre des données ouvertes (Open Data) au Bénin dues à l’absence d’une loi d’accès à l’information digne du nom.

Mais toutes ces démarches n’ont pas encore abouti à la révision de la loi sur l’accès à l’information publique au Bénin. Après avoir été programmée à plusieurs sessions ordinaires du parlement, la loi modificative n’a jamais été examinée. Résultat : en 2020, les organisations de la société civile continuent de plaider pour le vote d’une loi consacrant effectivement l’accès à l’information publique dans notre pays. Cependant, si les députés ont semblé réceptifs au plaidoyer des acteurs de la société civile lors de l’atelier des 11, 12 et 13 août 2020, certaines de leurs attitudes laissent croire que le changement prendra encore du temps avant de s’opérer.

Entre frilosité et méconnaissance

Durant les trois jours de travaux, les acteurs de la société civile et les parlementaires ont longuement échangé sur le sujet de l’accès à l’information publique dans notre pays. On peut se réjouir que les deux parties se sont accordé sur plusieurs points, notamment sur le fait que certaines dispositions de la loi actuelle méritent d’être revues au regard de l’évolution technologique, par exemple. Toutefois, l’enthousiasme n’est pas encore totalement au rendez-vous car, sur la question de l’accès à l’information publique, les députés sont encore très réticents à l’idée de faire les pas supplémentaires que la société civile souhaite. Entre frilosité et méconnaissance du principe, il reste encore des efforts à faire en la matière.

L’accès à l’information publique est un principe de base pour la transparence, elle est même un attribut de bonne gouvernance démocratique. Mais lorsque la question est évoquée avec les parlementaires, on a l’impression qu’ils cherchent plus d’arguments pour soutenir la rétention d’information que des raisons d’aller vers plus de transparence. Par exemple, durant les échanges, ils ont été nombreux à expliquer que de façon historique, la sociologie politique de notre pays est plus favorable à la culture du secret. Ils n’hésitent pas à aller puiser dans le folklore national (chansons populaires, dictons et adages) des éléments pour légitimer leur réticence à légiférer sur l’accès à l’information tel que souhaiter par les organisations de la société civile. Certains estiment qu’au regard de ces considérations socio-culturelles, le Bénin n’est pas obligé de faire comme les pays cités en exemple en matière d’accès à l’information.

Par ailleurs, une sorte de confusion réside au sein des parlementaires lorsqu’il s’agit de ce principe. Au deuxième jour de l’atelier, un parlementaire a fait un parallèle avec le secret bancaire. Or le secret bancaire n’est pas comparable au principe de l’accès à l’information publique. Le principe d’accès à l’information publique dispose d’ailleurs de restrictions admises au plan international comme la protection des données à caractère personnel ou encore le secret défense.

Un autre a renvoyé les acteurs de la société civile en quête d’informations vers le site web officiel du gouvernement. “Tout y est”, a-t-il martelé confondant manifestement la communication gouvernementale au principe de l’accès à l’information publique. Par exemple, depuis 2016, le gouvernement n’a publié nulle part les rémunérations des ministres alors que cette donnée est une information publique à laquelle n’importe quel citoyen béninois devrait avoir accès. Il en est de même pour certains documents stratégiques des ministères comme le signale ici une internaute avertie.

Le Bénin a déjà obtenu, de façon mécanique il faut préciser, les quatre points que confère le remplissage du critère “accès à l’information” dans le tableau d’éligibilité au PGO. Mais pour effectivement mettre en œuvre le gouvernement ouvert, notre pays doit encore faire de nombreux efforts sur cette matière. L’atelier d’août 2020 porte les germes d’un changement à court terme. Car, au terme de celui-ci, les différentes parties prenantes ont adopté une feuille de route pour la suite du processus. Il ne reste plus qu’à espérer que le changement soit effectif rapidement.

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