Publication : 28 / 09 / 2020

Le Bénin, à l’instar de plusieurs pays d’Afrique Occidentale, expérimente depuis 2003 le concept de « la décentralisation ». En effet, il s’agit d’un transfert du pouvoir de l’Etat central vers les collectivités à la base ayant à leur tête des élus locaux choisis par les citoyens.

Si le Bénin a opté pour la « décentralisation » depuis l’historique Conférence des Forces Vives de février 1990, c’est bel et bien afin de promouvoir le développement à la base, en mettant les populations au cœur de la gestion de leurs affaires au niveau local. La participation des citoyens aux affaires locales reste donc le principal enjeu de la décentralisation.

Selon le rapport annuel sur l’état de la gouvernance locale et de la décentralisation au titre de l’année 2013, seulement 20,83 % des communes avaient mis en place un système d’information efficace et d’implication des citoyens à la gestion communale. A l’orée de cette quatrième mandature des conseillers municipaux et communaux issus des communales du 17 mai 2020, voici cinq (05) conseils aux élus locaux pour relever le défi d’une participation citoyenne de qualité et d’une gouvernance participative à l’ère du numérique.

1- Créer un site web pour votre commune

Suggérer la création d’un site web pour une commune en ce 21ème siècle où le monde se digitalise, peut paraître superflu. Pourtant, 91% des communes du Bénin (soit 70 sur 77) ne dispose pas d’un site web selon l’initiative citoyenne Le Web des communes en 2018. Or, un site web n’est rien d’autre que la vitrine de la commune. Même si l’existence d’un portail des communes du Bénin est vivement à souhaiter, le site web offre aux élus locaux plusieurs avantages à savoir :

  • Faire exister la commune dans l’espace numérique à partir des moteurs de recherche ;
  • Renforcer la crédibilité de la commune auprès des internautes, et de ses potentiels visiteurs et partenaires ;
  • Porter aux citoyens des informations officielles de qualité afin de limiter les rumeurs, et publier les délibérations du conseil communal ;
  • Partager l’actualité de la commune, les activités du Maire et celles du conseil communal avec les mandants, détenteurs de droits ;
  • Donner la possibilité aux citoyennes et citoyens de s’adresser au Maire par écrit afin de porter auprès du conseil communal leurs préoccupations et voter pour des propositions.

La création et l’animation d’un site web nécessite des compétences que plusieurs start-ups locales peuvent mettre à moindre coût à votre disposition.

2- Créer et animer des pages sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc.)

Facebook est incontestablement le réseau social le plus populaire au monde. Au deuxième trimestre de l’année 2020, Facebook comptait 2,7 milliards d’utilisateurs actifs chaque mois et 1,79 milliard d’utilisateurs actifs chaque jour dans le monde. Il s’entend donc que plus du tiers de la population mondiale y est présent. C’est une planète virtuelle où entreprises, gouvernements, universités, personnalités, et citoyens ont leur place. Ne pas exister sur cette globe virtuelle en tant que “commune”, est clairement contre-productif en ce 21ème siècle.

Avoir une page Facebook pour votre commune peut être considérée comme avoir un acte de naissance qui matérialise votre preuve d’existence dans l’espace numérique. Mais la particularité d’un réseau social comme Facebook réside dans la qualité des interactions que cette plateforme peut apporter dans le dialogue citoyens-élus. Grâce à ce réseau social, l’autorité communale peut échanger directement sans filtre avec ses mandants au moyen des des séances de questions-réponses et des directs au moins une fois par mois. Cela donne le sens d’être à l’écoute des citoyens et répondre à la préoccupation de chaque internaute et prendre en compte leurs propositions, c’est faire preuve d’une gouvernance participative. Quelques communes (Avrankou par exemple) font déjà des efforts considérables dans ce sens et les résultats sont bien visibles. Mais encore faut-il avoir une ressource humaine qualifiée préposée à cette tâche.

3- Créer et/ou redynamiser les cellules numériques au sein des mairies

Qu’on le veuille ou non, la communication digitale nécessite des coûts même si ceux-ci sont moindres par rapport au coût qu’exigent les supports de communication traditionnels. Mais en dehors du coût lié aux frais d’internet, il est nécessaire d’avoir une ressource humaine qualifiée. C’est pour cela que la création ou la redynamisation des cellules numériques au sein des mairies devrait recevoir une attention particulière de la part des élus locaux. Avoir une cellule numérique au sein de la mairie permet d’être informée grâce au système de veille de tout ce qui se dit sur vos actions et votre commune dans l’espace numérique et d’apporter des clarifications ou informations fiables aux internautes.

Même si recruter une ressource humaine permanente qualifiée peut paraître coûteux, il est possible de solliciter les prestations ponctuelles ou l’abonnement des start-ups ou agences de communication, dont le métier sera d’assurer la visibilité de la commune dans l’espace numérique. Il est aussi possible de renforcer les capacités et les compétences du personnel existant sur l’utilisation de quelques outils numériques de base (Animation de site web, d’une page Facebook, prise et traitement d’image, montage, réalisation de vidéo) utiles pour commencer le travail. Dans ce sens, les compétences des associations telles que l’association des blogueurs du Bénin et la plateforme voix et actions citoyennes peuvent être sollicitées.

4- Organiser des hackathons pour solutionner des problèmes communautaires

S’il y a un moyen par lequel les élus locaux peuvent directement engager les acteurs du numérique dans la résolution ou la quête de solutions aux problèmes communautaires, c’est bel et bien, à travers l’organisation des hackathons. En effet, un hackathon est un événement réunissant des groupes de développeurs volontaires qui durant une période donnée, travaillent sur des projets de programmation informatique de manière collaborative.

Les hackathons constituent une réelle opportunité pour les élus locaux. Ils peuvent via ce type d’événements, non seulement, explorer les compétences numériques (entreprises, startups) disponibles au sein de leur commune, mais aussi, découvrir des solutions numériques concrètes pour résoudre les problèmes communautaires (accès à l’eau potable, collecte des impôts, tourisme, sensibilisation des populations, prévention des crises).

Les produits du hackathon peuvent donc être rachetés par la commune ou directement exploités dans le cadre du partenariat public/privé au niveau local. Par exemple, en 2015, à la suite des attentats du 13 novembre, la Mairie de Paris avait initié un hackathon afin de trouver des moyens technologiques pour prévenir, signaler et gérer les crises en cas d’attentat. Quand l’intelligence collective est mise à profit de manière optimale pour faire face aux défis communautaires, plus rien n’est impossible.

En cette matière également, les élus locaux peuvent aisément trouver des ressources humaines locales expérimentées pour les accompagner dans la conceptualisation et l’organisation de hackathons. En 2018, en partenariat avec le bureau de l’Unicef au Bénin, l’Association des blogueurs du Bénin a organisé un hackathon national en faveur des droits de l’enfant. L’application “Our Voice”, l’une des trois solutions numériques lauréates de ce concours dont l’objectif est d’envoyer des rappels de dates de vaccinations aux jeunes mères est aujourd’hui implémentée dans la zone sanitaire Zoboza (Zogbodomè-Bohicon-Zakpota)

5- Offrir des conditions propices aux entreprises technologiques pour leur installation dans votre commune

La présence des entreprises ou startups technologiques dans une commune sont d’une grande opportunité si les autorités locales savent en profiter. En dehors de l’organisation des hackathon, il est important de développer des partenariats gagnant-gagnant avec les start-up technologiques pour leur installation dans votre commune. Voici quatre (04) actions concrètes à poser :

  1. Faciliter les formalités d’installation des startups dans votre commune : bien que les communes ne disposent pas des prérogatives de définition de mesures fiscales spéciales pour attirer des acteurs économiques précises, elles peuvent au moins encourager l’établissement de jeunes pousses sur leur territoires par d’autres moyens d’accompagnement innovants. Cela peut passer par la mise à disposition de locaux non exploités par la mairie ou des mises en relation avec des entreprises installées sur le territoire de la commune.
  2. Créer des espaces de co-working où les jeunes entrepreneurs peuvent avoir accès à moindre coût à un bureau de travail avec un accès illimité à la connexion internet. Pour ce faire, il n’est pas forcément nécessaire d’engager des investissements immobiliers. La plupart des communes abritent des bureaux vides non exploités. Or, les charges locatives font partie des gros challenges des jeunes entrepreneurs. Il existe là des possibilités de partenariat. Aujourd’hui, les communes du Bénin sont reliées à la fibre optique et peuvent offrir un accès haut débit à des entrepreneurs numériques qui, en retour, pourront s’engager à offrir certains services à la commune (la conception d’un site web, par exemple).
  3. Offrir la visibilité aux startups présents dans votre commune en soulignant leur contribution lors de vos évènements publics ( foire, fêtes) ou de vos déplacements. Les élus locaux doivent se faire les ambassadeurs des jeunes pousses qui sont installées dans leur commune. Ils doivent les mettre en avant dans les événements organisés par la commune ou durant celles auxquels les élus locaux participent.
  4. Prioriser les start up de votre commune pour vos besoins de prestations de service liés à leur domaine. Pourquoi aller chercher un prestataire à l’étranger ou dans une autre commune si vous avez des entrepreneurs sur votre territoire capable de vous rendre une copie propre ?
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