Publication : 21 / 09 / 2020

Cet article a été co-rédigé à quatre mains avec Antoine Osé Coliko.

Au Bénin, l’ouverture des données est encore loin d’être une réalité. En attendant que l’exécutif national s’engage effectivement, les collectivités locales peuvent être les pionnières qui vont impulser le mouvement de l’Open Data.

Le samedi 2 mars 2019, à l’occasion du Open Data Day (journée mondiale des données ouvertes), les locaux de la mairie d’Avrankou ont accueilli un événement inédit. Pour la première fois depuis que cette célébration a lieu au Bénin, l’initiative a été prise d’aller faire une journée de sensibilisation hors de Cotonou. Avrankou, une petite commune de quelques 150.000 habitants située à une heure de route (40 km) de Porto-Novo, la capitale du Bénin, a accepté d’accueillir l’événement. Les responsables administratifs de la mairie, très intéressés par le potentiel du numérique pour le développement d’une façon générale et par les usages possibles de ce dernier en matière d’accès à l’information publique, nous ont facilité la tâche dans cette initiative.

Certes plus d’un an après, Avrankou n’est pas encore une référence en matière d’accès à l’information publique. Mais la volonté que les autorités de cette commune ont affiché pour les données ouvertes ainsi que les efforts soutenus qu’elles effectuent depuis lors pour s’ouvrir à leurs administrés nous fascinent et donnent de l’espoir. Face aux atermoiements et aux promesses sans suite au niveau central, des collectivités locales telles que Avrankou peuvent se révéler comme les pionnières en matière de données ouvertes.

Au Bénin, l’absence d’une loi consacrant effectivement l’accès à l’information publique constitue l’une des barrières à la promotion des données ouvertes. La loi 2015–07 du 22 janvier 2015 portant Code de l’information et de la communication en République du Bénin fait office de loi sur l’accès à l’information publique. Mais elle ne pose aucun principe relatif aux données ouvertes. Elle n’y fait référence d’ailleurs. Certaines de ses dispositions méritent donc encore d’être revues pour établir un cadre légal favorable à la mise en oeuvre des données ouvertes. Le Code ne pose pas, par exemple, les exigences techniques et juridiques admises pour considérer une donnée brute comme étant ouverte.

Voté deux ans plus tard, nous avions espéré un temps que le Code du numérique pose les principes de l’open data par défaut. Mais le législateur béninois n’a pas pris cette option rendant la Loi n° 2017–20 du 20 avril 2018 portant code du numérique en République du Bénin également muette sur le sujet.

Quel intérêt pour les collectivités locales ?

Bien que l’existence d’un cadre légal est indispensable pour faciliter l’implémentation des données ouvertes, une volonté politique est aussi nécessaire pour sa mise en oeuvre effective. Cette volonté politique peut se mettre à l’oeuvre même en l’absence de cadre légal adapté. En effet, bien qu’étant incomplet sur un plan technique, le code de l’information et de la communication pose déjà le principe de l’accès à l’information publique en son article 7. D’ailleurs, le gouvernement, à travers l’Agence des services et systèmes d’informations (ASSI) a lancé, en avril 2020, le recrutement d’un cabinet d’expertise pour la mise en place du portail national open data du Bénin, sans un cadre légal spécifique préalable.

Ainsi, si elles le souhaitent, les collectivités locales peuvent insuffler le mouvement des données ouvertes en étant pionnières de l’accès à l’information publique à leur niveau. Plusieurs raisons devraient les y pousser. En voici trois :

 

  • La transparence pour une gouvernance participative

Les collectivités locales produisent de nombreuses données et informations. Elles restent inaccessibles pour de nombreuses raisons. Or, ces données sont utiles pour de divers acteurs (journalistes, chercheurs, entrepreneurs, etc). Car c’est au niveau local que se manifeste le plus grand besoin d’accès à l’information et donc aux données brutes pour des besoins de contrôle citoyen de l’action publique, entre autres. En effet, l’open data rend le développement des politiques publiques plus transparent et encourage le dialogue entre les gouvernements (élus locaux) et les citoyens.

Malheureusement, aujourd’hui, c’est toujours un parcours du combattant pour avoir accès à certaines données au niveau local comme le budget de la commune, les données relatives aux marchés publics, etc.

 

  • Une amélioration des prestations de services publics

Elles ont beau être des collectivités locales à taille modestes, les communes doivent concilier les enjeux de la croissance démographique et les problèmes locaux de petite échelle. La disponibilité de données ouvertes détaillées permet d’améliorer la prestation de services au niveau local. Les communes du Bénin qui vont s’investir dans l’ouverture des données ont beaucoup à gagner.

Une re-utilisation productive de ces données, peut apporter de nombreuses solutions à des problèmes locaux via l’innovation. A l’heure où le numérique est présent partout y compris dans les coins les plus reculés de notre pays et que la valorisation des contenus locaux est devenu un enjeu de souveraineté, les données ouvertes peuvent être des alliés importants pour les communes.

Par ailleurs, les communes bénéficient aujourd’hui d’un contexte favorable. Depuis 2016, l’exécutif a lancé un vaste programme de dématérialisation qui touche également les communes et qui s’appuie sur des projets phares comme le Projet de Développement des Infrastructures des Télécommunications et des TIC (PDI2T) et le Projet de renforcement des structures centrales de gouvernance.

 

  • Une valeur ajoutée garantie

Lorsqu’on parle des données ouvertes aux collectivités locales, les autorités nous interrogent souvent sur l’intérêt financier de la chose. Cela se justifie car la plupart des collectivités manquent de ressources et sont en quête de financements. L’open data soutient l’innovation et la croissance commerciale en révélant des opportunités de mise en place de nouveaux services, d’économies potentielles et d’amélioration des opérations pour tout type d’entreprises, notamment les startups.

En contribuant ainsi à la croissance économique et en améliorant les services, l’open data permet aux collectivités locales d’économiser dans des secteurs clés comme l’accès aux soins de santé, l’éducation et les services publics. Par ailleurs, dans notre contexte, les communes qui vont donner des gages de transparence à travers l’open data, pourront attirer d’excellents partenariats dans le cadre de la coopération décentralisée.

Un accompagnement disponible

L’ouverture des données nécessitent des moyens et exigent des connaissances techniques. La méconnaissance du sujet et l’ignorance de sa valeur ajoutée amènent les élus locaux à ne pas considérer, à juste titre, cette démarche comme une priorité. De plus, les pesanteurs socio-culturelles hostiles à la culture de la transparence étouffent les quelques efforts entamés.

En attendant (ou même en marge de) l’aboutissement des démarches de l’Etat central, les collectivités demeurent les premières entités à tirer le meilleur bénéfice des données ouvertes si elles s’engagent. Pour ce faire, même avec leurs modestes moyens, ils peuvent compter sur des spécialistes locaux prêts à les accompagner. Des organisations de la société civile qui promeuvent les données ouvertes comme l’Association des blogueurs du Bénin, le Blolab, Voix et actions citoyennes peuvent les accompagner dans la démarche.

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