Publication : 15 / 09 / 2020

Cet article a été co-rédigé à quatre mains avec Antoine Osé Coliko.

La crise de la démocratie qui affecte le monde n’épargne pas le Bénin où le fossé entre citoyens et élus n’a jamais été aussi criard que ces deux dernières années. Face à la crise, comment le numérique peut-il être un allié des gouvernants, au niveau local, pour relever le défi d’une gouvernance participative ?

Les conflits au plan politique qu’a connu le Bénin lors des dernières élections ont généré un désintérêt flagrant des citoyens pour la chose politique. Cela s’est nettement traduit par le faible score de participation noté aux élections législatives d’avril 2019 et au scrutin communal de mai 2020. De plus, l’application du principe des 10% de suffrages obtenus à l’échelle nationale lié à la répartition des sièges, a malheureusement porté à la tête de certaines communes des édiles et conseillers qui n’ont pas gagné le vote populaire sur le territoire qu’ils sont appelés à gouverner. C’est le cas de plusieurs communes dans le département de l’Ouémé où les populations ont voté majoritairement le Parti du renouveau démocratique (PRD), qui n’a pas réuni au plan national les 10% de suffrages pour prétendre à la répartition des sièges.

Il est donc loisible d’affirmer que, s’il y a un défi que doit relever les élus locaux du Bénin à l’orée de cette quatrième mandature de la décentralisation, c’est bel et bien celui de la reconstruction d’un lien vivant d’interaction avec les populations pour relever le défi du développement local. Cela suppose que ces élus fassent l’option d’une gouvernance participative au cœur de laquelle la voix du citoyen peut compter y compris dans le processus de prise de décisions. Pour cela, le numérique (outils et méthodes) apparaît aujourd’hui comme leur meilleur allié.

Une gouvernance participative, qu’est-ce que c’est ?

Une gouvernance participative est celle dans laquelle les citoyens sont perçus, non pas comme des bénéficiaires ou des privilégiés des actions publiques, mais surtout comme une partie prenante de la gestion des affaires de la cité. Autrement dit, c’est celle dans laquelle la participation du citoyen va au-delà du vote. Elle implique et engage mutuellement citoyens et élus dans une démarche de co-création. Les citoyens sont au cœur du processus de prise de décision, et peuvent ainsi articuler leurs intérêts, exercer leurs droits, faire le point de leurs devoirs, et faire des propositions utiles au développement local. En résumé, la gouvernance participative est celle dans laquelle citoyens et élus partagent le pouvoir de décision.

Même s’il faut reconnaître que le mécanisme traditionnel de participation des citoyens au développement local s’appuie sur la contribution des organisations de la société civile à travers les Cellules de participation citoyenne (considérées comme représentant les populations dans les instances de prise de décision), la gouvernance participative sous-entend que l’on écoute aussi directement les populations en leur offrant des moyens adéquats pour exprimer clairement leurs attentes et leurs choix.

Les atouts du numérique pour une gouvernance participative au niveau local

L’émergence des « Civic Tech », c’est-à-dire des technologies visant l’amélioration des pratiques démocratiques, est une opportunité pour l’Afrique et particulièrement pour le Bénin. De 2015 à 2019, le Bénin est passé d’un taux de pénétration d’Internet de 20 % à 53 %. Dans le même temps, le nombre d’utilisateurs de smartphones et des réseaux sociaux au Bénin est en nette augmentation depuis 2011. Si les efforts en cours sont poursuivis, il est évident que le numérique jouera un rôle sans précédent dans l’interaction entre élus locaux et citoyens au cours de la décennie 20–30.

Une observation du paysage numérique béninois montre l’existence de quelques initiatives « Civic Tech » portées par les OSC ou des individus. La seule initiative qui émane du gouvernement dans ce sens est l’initiative «#AskGouvBénin» à travers laquelle des personnalités publiques (Ministres, DG de société d’Etat) répondent aux questions des citoyens via les réseaux sociaux. Même si cette initiative est innovante en soi, il convient de souligner qu’elle se résume à l’information des citoyens. Elle ne donne pas la possibilité aux citoyens d’influer ou de jouer un rôle déterminant dans la prise de décision. En effet, l’information des citoyens n’est que le premier niveau de participation citoyenne qui peut être amélioré et complété par la concertation, la consultation et la co-décision. Oui, la bonne marche des « Civic Tech » demande la collaboration des gouvernants et leur ouverture à jouer le jeu d’une gouvernance participative où les citoyens partagent le pouvoir de décision.

Grâce au numérique, les élus locaux peuvent apporter aux citoyens des informations de qualité. Dans un contexte où les infox deviennent monnaie courante, à travers la mise en place d’un site web officiel pour la commune, l’exécutif local peut assurer l’accès des citoyens à la bonne information. Ils resteront ainsi au fait de l’actualité de leur commune.

De plus, grâce aux comptes officiels sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube), les élus locaux peuvent assurer le relai de leurs activités et interagir avec leurs populations à travers des directs ou des sessions de questions-réponses.

Le dialogue entre citoyens et élus est efficace quand il s’appuie sur la transparence. C’est pourquoi, les élus locaux peuvent aller plus loin dans leur désir d’impliquer les citoyens dans la gouvernance locale en optant pour l’ouverture des données. Celle-ci peut se traduire par la mise en place de plateformes pouvant faciliter :

  • La concertation et la consultation des citoyens à travers le vote pour l’identification des besoins prioritaires, choix, et réalisations de la commune ;
  • la concertation et la mobilisation des citoyens pour une cause communautaire afin de favoriser l’esprit solidaire et le sentiment d’appartenance ;
  • l’établissement d’un budget participatif où la possibilité est donnée aux citoyens d’affecter une partie du budget de leur commune, à des projets d’investissement ou projets proposés dont ils sont les porteurs.

La volonté du Bénin de rejoindre le Partenariat pour un Gouvernement Ouvert (PGO) doit motiver les nouveaux élus locaux à se positionner pour faire de leurs communes, des modèles de démocratie participative, de transparence et d’ouverture des données.Quand la gouvernance participative devient un choix, le numérique restera le meilleur allié de chaque élu pour porter aux citoyens une information de qualité, et le pouvoir de co-décider de son avenir.

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