Publication : 04 / 09 / 2020

Cette chronique a été initialement publiée, en version originale, sur le site web de l’ORTB.

Plus rien ne va entre Donald Trump et Twitter. Pourtant le président américain doit en partie sa popularité au réseau de microblogging. Et inversément…

  • Maurice Thantan, qu’est-ce qui divise aujourd’hui Donald Trump et Twitter ?

Le torchon brûle effectivement entre Donald Trump et Twitter, le réseau social de microblogging. L’histoire commence le 26 mai dernier, lorsque Twitter a décidé d’indiquer à ses utilisateurs que deux tweets du président américain étaient trompeurs. C’est pour la première fois que le réseau social mène une telle action sur les contenus d’une personnalité politique de premier plan.

Les tweets concernés dénoncent la nature frauduleuse du vote par correspondance aux Etats-Unis. Donald Trump a évidemment réagi pour dénoncer « l’interférence » de Twitter dans le scrutin et une atteinte à la liberté d’expression. Dans la foulée, le président américain a adopté un décret visant à limiter le pouvoir de modération des réseaux sociaux sur les contenus publiés sur leurs plateformes.

Les passe d’armes se sont multipliés entre les deux parties car, deux jours plus tard, Twitter a tout simplement réduit la visibilité de deux nouveaux tweets de Trump. Une situation qui suscite de nombreuses interrogations en réalité, car en décidant, de modérer les propos du président américain en campagne pour un second mandat, Twitter s’engage sur une voie inédite jusque là.

  • Peut-on donc parler d’un tournant dans le rapport entre réseaux sociaux et politique ?

Pour comprendre pourquoi le “clash” entre Donald Trump et Twitter est si important à analyser, il faut remonter à la lune de miel entre les deux. Avant de devenir président des Etats-Unis, Donald Trump avait très vite compris l’importance de Twitter dans sa communication politique.

Il en a fait son premier outil de propagande. Evidemment, Twitter aussi a bénéficié de cet usage frénétique de son réseau social par l’homme le plus puissant du monde. Trump a pris l’habitude d’annoncer des décisions de politique nationale sur Twitter. A tel point qu’en 2017, un élu de la chambre des représentants a déposé une proposition de loi pour archiver les tweets du président.

Pour répondre à votre question, effectivement, c’est un tournant dans le rapport entre les réseaux sociaux et la communication politique. En réalité, Twitter essaie de rattraper les erreurs du passé. Après, l’élection présidentielle de 2016, aux Etats-Unis, les réseaux sociaux ont été accusés d’avoir laissé les hommes politiques manipuler l’opinion publique à coups de publicités politiques et de fake news sur leur plate-forme. Vous vous rappelez encore de l’affaire Cambridge Analytica.

Depuis Twitter a banni les publicités politiques de son site. Et donc, en décidant, de modérer les tweets de Donald Trump, président en campagne électorale, on peut y voir une volonté de ne pas répéter les mêmes erreurs de 2016.

  • Finalement, que nous révèle ce bras de fer sur l’avenir de la communication politique sur les réseaux sociaux ?

Selon moi, il y a deux enseignements à tirer de ce qu’on peut appeler la guerre entre Twitter et Donald Trump.

D’abord, il y a certaine prise de conscience de la part des réseaux sociaux de la nécessité de réguler par la vérification les contenus qui sont publiés sur leurs plate-formes notamment de la part des personnalités politique et dans des contextes électoraux.

Twitter, comme Facebook, a longtemps surfé sur une vision très pluraliste et très libre des échanges et des publications. Cela a permis à certains d’avoir une parole très libre et sans filtre. Cela a aussi favorisé la prolifération des discours de haines et des fake news. Il est peut-être temps de réguler tout ceci.

Ensuite, il faut voir à cette action, un signal fort envoyé aux politiques de tous bords. Ces derniers ont souvent exploité les caractéristiques de spontanéité et de popularité des réseaux sociaux pour faire circuler des Fake News surtout en période électorale.

Même quand les médias finissent par révéler l’inexactitude des propos, les études ont montré qu’un Fake News a plus de succès populaire que son démenti.

Cependant, l’exercice peut comporter un risque pour les réseaux sociaux. En même temps, la loi ne permet pas non plus à Trump de réduire la liberté des réseaux sociaux aussi facilement.

D’ailleurs, son décret a déjà été attaqué devant les tribunaux. En réalité, derrière la partie de ping pong entre Trump et Twitter, c’est un match politico-judiciaire plus important dans l’histoire des USA qui se joue. Ca va donc être un jeu d’équilibriste qui peut durer quelques temps avant de se stabiliser… ou pas.

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