Publication : 03 / 03 / 2018

Aujourd’hui, 3 mars 2018, l’on célèbre à travers le monde la Journée mondiale des données ouvertes (Open Data Day en anglais). A défaut d’organiser un événement (faute de moyens) comme nous l’avions fait l’année passée, je veux partager ici une réflexion que j’avais produite en 2017 à l’occasion d’un atelier organisé par la Direction générale des médias et le Wanep Bénin sur l’accès à l’information publique au Bénin.

Aujourd’hui, 3 mars 2018, l’on célèbre à travers le monde la Journée mondiale des données ouvertes (Open Data Day en anglais). A défaut d’organiser un événement (faute de moyens) comme nous l’avions fait l’année passée, je veux partager ici une réflexion que j’avais produite en 2017 à l’occasion d’un atelier organisé par la Direction générale des médias et le Wanep Bénin sur l’accès à l’information publique au Bénin.

La semaine passée, j’ai été appelé à donner un cours dans une université de Cotonou. C’est une école spécialisée dans la formation des journalistes et je devrais enseigner le blogging et le data journalisme. Arrivé sur le deuxième volet de mon enseignement, j’ai eu toutes les difficultés du monde pour avoir des données sur le Bénin pour réaliser des visualisations en guise d’exercice pratique avec mes étudiants. En fait, le Bénin n’a toujours pas une plate-forme de données ouvertes. J’ai du me retourner vers le site de la Banque mondiale qui publie quelques données sur le Bénin. J’ai ensuite utilisé d’autres plateformes de données ouvertes comme data.gouv.fr et data.gov.bf pour faire des travaux.

Au Bénin, quand on parle d’open dat, le sujet n’intéresse que peu de personnes. On ne comprend pas encore son importance ni sa nécessité.

L’Open Data, c’est quoi ?

Open Knoweldge International, association à but non lucratif de droit britannique promouvant la culture libre, en particulier les contenus libres et l’open data créée le 24 mai 2004 à Cambridge au Royaume-Uni, une définit la donnée ouverte est “ une donnée qui peut être librement utilisée, réutilisée et redistribuée par quiconque — sujette seulement, au plus, à une exigence d’attribution et de partage à l’identique. Cette définition se trouve dans le Guide de l’open data édité par Open Knowledge International.

Il s’agit de données auxquelles tout le monde peut accéder et que tout le monde peut utiliser et partager. Les gouvernements, les entreprises et les individus peuvent utiliser l’open data afin de créer des avantages sociaux, économiques et environnementaux, précise le portail européen de données ouvertes.

On peut donc dire que l’open data est une donnée numérique dont l’accès et l’usage sont laissés libres aux usagers. Elle peut être d’origine publique ou privée, produite notamment par une collectivité, un service public (éventuellement délégué) ou une entreprise. Elle est diffusée de manière structurée selon une méthode et une licence ouverte garantissant son libre accès et sa réutilisation par tous, sans restriction technique, juridique ou financière.

Pourquoi c’est important ?

Généralement, quand je parle des données ouvertes à certaines personnes, on ne comprend pas tout de suite l’importance du sujet. Pourquoi c’est important, se demande-t-on. C’est une question légitime. En fait, les données ouvertes s’inscrivent dans une tendance qui considère l’information publique comme un bien commun dont la diffusion est d’intérêt public et général. Tenez, par exemple, ces derniers jours, un débat s’est élevé au Bénin sur la rémunération des membres du gouvernement qui demeure un mystère et fait l’objet de spéculations. Pourtant, il s’agit d’une information publique puisque les ministres de la République sont rémunérés par les ressources du contribuable.

La mise en oeuvre d’une telle politique passe nécessairement par l’adoption, au niveau national, d’une loi sur l’accès spécifique sur l’accès à l’information. Tous les pays ayant fait des progrès en matière de données ouvertes sont passées par cette étape. En 2015, le Bénin s’est doté d’un code de l’information et de la communication qui est censée régler la question mais celle ci reste peu efficace car ne facilitant pas réellement l’accès à l’information.

Le code n’offre que des possibilités d’accès relativement limités aux informations publiques. Elle offre surtout aux administrations, qui ne considèrent pas comme étant de leur devoir de libérer l’information publique, la généralisation de la pratique de documents confidentiels privant ainsi les citoyens de leurs droits d’accès à l’information publique. Il est alors impossible de parler véritablement d’open data au Bénin. Certes, il faut considérer qu’il y a bien une différence entre donnée et information, mais nous sommes dans le même ordre de besoin.

D’ailleurs sur le plan international, notre code de l’information et de la communication n’est pas considéré comme une loi d’accès à l’information. Ainsi, le Partenariat pour un gouvernement ouvert n’attribue aucun point au Bénin sur ce critère d’éligibilité en son sein.

Aussi, au sens du code de l’information et de la communication, l’accès à l’information publique est presque toujours conditionnée à une demande préalable à l’administration. Or le temps de publication aussi peut être un élément déterminant dans la qualité de la donnée ouverte. C’est pour cela que la Sunlight Fundation référence l’opportunité comme l’un des 10 critères d’une donnée ouverte : “Les jeux de données publiés par le gouvernement devraient être mis à la disposition du public en temps opportun. Chaque fois que possible, l’information recueillie par le gouvernement devrait être diffusée aussi rapidement qu’elle est recueillie et recueillie. La priorité devrait être donnée aux données dont l’utilité est sensible au temps. Des mises à jour en temps réel de l’information maximiseraient l’utilité que le public peut obtenir de cette information”.

En effet, pour la Sunlight Fundation, une donnée ouverte doit être :

  1. Complète
  2. Primaire
  3. Opportune
  4. Accessible
  5. Exploitable
  6. Non-Discriminatoire
  7. Non-Propriétaire
  8. Libre de droits
  9. Permanente
  10. Gratuite

Dans la pratique aussi, on s’est rendu compte au Bénin, que le code de l’information et de la communication apparaît plus comme une loi pour réguler l’activité des journalistes qu’une vraie loi d’accès à l’information que peut brandir n’importe quel citoyen. On a déjà rencontré des cas où des agents de l’administration refuse de livrer une information ou un jeu de donnée parce que la requête ne provient pas d’un journaliste.

Ce sont ces situations qui ont amené une organisation non gouvernementale très engagée dans la défense de l’accès à l’information publique d’engager un vaste plaidoyer pour le vote d’une loi spécifique sur l’accès à l’information publique. Depuis plusieurs années, le Wanep Bénin multiplie ses actions dans ce domaine. A ses côtés, l’Association des blogueurs du Bénin, très engagée sur le sujet aussi s’active. Une page Facebook est d’ailleurs dédiée à cette initiative. Mais les résultats ne sont pas encore au rendez-vous.

Espoir ?

Sans être trop enthousiaste, on peut dire que notre pays pourrait tourner cette page bientôt. Le jeudi 12 janvier 2017 une proposition de loi modificative de la loi portant code de l’information et de la communication en République du Bénin. L’initiative est du vice — président de l’Assemblée Nationale, Éric Houndété. Dans le texte qu’il a soumis, le parlementaire propose, entre autres, une relecture totale du chapitre 4 de l’actuelle loi relatif aux sources publiques d’information. Si la loi rectificative venait à être votée, ce serait une avancée pour le Bénin vers une loi efficace sur l’accès du citoyen à l’information publique. Cela pourrait être ouvrir la voie à la mise en œuvre d’une réelle politique d’ouverture des données publiques.

Un code de l’information et de la communication qui pose des bases solides d’un principe d’accès réel à l’information publique offrira en effet plusieurs issues aux difficultés citées plus haut. C’est en effet, la possibilité pour le gouvernement, à travers ses administrations et les structures publiques de développer des politiques progressives de données ouvertes. C’est une base de données disponible pour le journaliste qui peut, avec les outils numériques, explorer les nouvelles pratique de son métier. C’est aussi la possibilité aux startups et entreprises d’innover et de générer de la valeur.

En dehors de la loi à venir, d’autres éléments fondent mon espoir. En juin 2017, je participais à la première Conférence d’Afrique francophone des données ouvertes (Cafdo) à Ouagadougou au Burkina Faso. Le directeur général de l’Agence des services et systèmes d’information (ASSI, ex-Abétic) que j’avais rencontré lors de notre Open Data Day 2017 y était et avait affirmé la volonté du gouvernement béninois d’aller vers la mise en place d’une plate-forme de données ouvertes.

Cette volonté a été réaffirmée lors du Forum sur la veille citoyenne du programme d’action du gouvernement initié par Social Watch Bénin. M. Maximilien Kpodjedo et moi même étions sur un panel dont le thème était intitulé : « Accès du citoyen à l’information sur le PAG : nécessité d’une politique de données ouvertes au Bénin ». Là encore, le directeur de l’ANSSI a assuré que le Bénin s’apprête à se doter d’une plate-formes de données dans les prochains mois.

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Par ailleurs, le lancement du Programme de renforcement des structures centrales de gouvernance (PRSCG) qui s’inscrit dans le Programme d’action du gouvernement dans son volet de la mise en oeuvre de l’administration intelligente (smart gouv) et qui mentionne explicitement l’ouverture de l’administration et l’open data est aussi un élément qui fonde mon espoir.

 

Alors qu’autour de nous, de plus en plus de pays s’engage sur cette dynamique, il ne reste qu’à espérer que toutes ces promesses soient tenues et rapidement, notamment le l’étude et le vote de la loi rectification de la loi portant code de l’information et de la communication. Surtout, il ne faut pas voir les données ouvertes comme un gadget ou un effet de mode. C’est une réelle exigence de démocratie, de transparence et de bonne gouvernance.

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